Lundi 18
Le jour vient de se lever. Le jour vient de me lever. Moi je suis levé depuis trop longtemps déjà et les yeux me brûlent de mélancolie, d’une douce mélancolie sans fondement dans laquelle je me suis enfoncé sans le voir venir. Le ciel a pris des couleurs de l’Océan Indien et me chatouille les sens tandis que le froid s’est accentué encore.
En descendant de l’avion, il y avait de la neige sur le tarmac, des courants d’air froid dans le soufflet de la passerelle , quelque chose m’a transis de froid mais aussi de bonheur, le bonheur de voir que finalement peu importe où je me trouve, peu importe où je suis, peu importe où je vais, l’important étant de sentir sous ses pieds le sol qui se dérobe et redevient tangible, passer au-dessus des nuages, descendre au-dessous dans l’air glacial, ne plus voir le soleil parce qu’il vient de se coucher. Je viens de terminer le livre de Mathias Enard, L’alcool et la nostalgie, un roman poignant sur l’amitié et la jalousie, un livre dense perclus de littérature russe, d’une telle vigueur que je l’ai avalé en quelques heures.
Tigran m’a donné un porte-clef qu’il s’est acheté en Arménie, sur lequel il y avait le Mont Ararat ; je l’ai mis sur mon trousseau de clefs du boulot et je me suis rendu compte seulement au bout de deux jours que je l’avais placé à côté de mon mavi boncuk ramené de Turquie. La Turquie et l’Arménie réunies sur le même trousseau… même pas fait exprès.