#46
Il faut repartir à présent, s’occuper la tête, ne pas baisser les bras. Encore 14 jours de Turquie à traiter, je n’en vois pas le bout. Je me rends compte à quel point j’ai pris énormément de photos. Je me souviens que quand j’étais en voyage étant jeune, je me demandais comment les gens pouvaient profiter de leur voyage et mitraillant à tout bout de champ et en filmant sans cesse leur voyage et maintenant que je suis là, je passe quand-même pas mal de temps à ça. Pour autant est-ce que ça m’empêche de profiter ? Non je ne crois pas. Et quelle est la valeur de la photo dans tout ça ? Du petit film de voyage ?
Minaret de la Grande Mosquée Omeyyade de Damas, Syrie
Photo © James Gordon
Ces outils qui ressortent du voyage n’ont en rien une valeur prolongatrice du voyage, ce n’en est pas un appendice, mais bien plutôt le support d’un partage qui se fait de manière douce et posée. Les photos de voyage, ce n’est pas fait pour les coincer dans des albums qu’on colle sur les genoux de ses amis lors d’une soirée prévue à cet effet. Ce n’est qu’un instrument de partage qu’on laisse sur le bord de la table pour qui veut ; je déteste qu’on me coince pour regarder des photos de voyage, alors je ne peux pas faire ça.
Les photos vivent en moi, pas à l’extérieur de moi. Ce ne sont que de fugaces moments de jouissance visuelle qui finisse par s’évanouir et que l’on fait revivre de temps en temps. Mais tout ceci est porté par le souvenir, à l’intérieur. Elles ont ce pouvoir magique de faire durer le plaisir, de le susciter à nouveau parfois, juste le temps de se souvenir d’un moment de bonheur…
Le mauvais temps semble s’évanouir, le temps se réchauffe doucement après la neige de cette semaine ; il est probable que le printemps finisse par arriver. En tout cas, les tourterelles sont bel et bien là et l’air s’emplit déjà de leur long roucoulement.
Robert aurait qualifié ce printemps d’omnipotent. Comme tous les printemps, du reste, qui semblent toujours uniques.
Wu Ming 4, L’étoile du matin
Editions Métailié