#50
6h26
Quel bonheur de retrouver Nicolas Bouvier que j’ai dû lire la dernière fois il y a deux ans en été dans mon édition de ses œuvres plus ou moins complètes, chez Quarto. Même dans un texte aussi primitif et sans fioritures que cet inédit écrit entre Genève et Copenhague lors de l’été 1948, on voit déjà poindre son humour grinçant et cette faculté à regarder ce qu’on ne regarde pas en voyage, exerce son talent incisif envers les Belges et les Hollandais qu’il dit gros et laids, il n’hésite pas à fustiger une grande Allemande chevaline aux pieds en dedans et envoie paître les importuns avec plus de verve qu’il n’en faut… Du beau Bouvier assurément. Du Bouvier qui passe et qui s’arrête de temps en temps et qui rappelle que dans le voyage on ne fait que vivre un peu plus intensément un quotidien transposé.
Je n’aime faire les choses que parfaitement.
Nicolas Bouvier, Il faudra repartir
Éditions Payot
Je suis tellement excité de me dire qu’enfin je vais pouvoir retourner à İstanbul que je me suis réveillé plus tôt que d’habitude avec dans le creux de l’oreille le chant plaintif du muezzin. J’ai posé sur ma petite table ottomane ramenée de là-bas mes guides dans lesquels je vais trouver de quoi faire pendant ces quelques jours ; l’ennui chez soi serait la pire des traîtrises…
A présent, il me faut un objectif, imaginer ce que je veux en rapporter, savoir comment je vais pouvoir me nicher au creux de la ville et comment je veux la partager, comment le restituer, comment le rendre à ceux qui me l’ont offert.
J’ai acheté un bon paquet d’enveloppes “Air Mail” qui ne devraient pas tarder à arriver, avec lesquels je vais pouvoir m’écrire à loisir depuis là-bas ; une lubie qui m’est venue en retrouvant chez ma grand-mère quatre enveloppes que mon grand-père a dû acheter pour les longs déplacements dans les îles, des Antilles à la côté de l’Océan Indien. Fines comme du papier à cigarette, c’est à se demander comment elles ont fait pour traverser toutes ces années.
Assurément, il aurait adoré la Thaïlande.
Je n’enseigne pas, je raconte.
Montaigne, Essais – 1580
Tandis que, dans une boîte dans laquelle j’ai rassemblé tous mes souvenirs de jeunesse (suite au grand chambardement), je cherchais une boîte verte (que j’aimerais bien retrouver pour le coup, parce que là ça finit par ne plus être drôle), j’ai retrouvé un objet qui appartenait à mon grand-père et que j’avais glissé dans cette boîte pour ne pas le perdre. Et le fait est que pendant des années, j’ai cru qu’il était perdu, au point qu’après son décès, lorsque ma ma grand-mère m’a dit de prendre dans ce qui lui appartenait ce que je souhaitais, je lui ai dit “son porte-mine”, mais nous ne l’avons pas retrouvé. Pour cause, il me l’avait donné il y a longtemps déjà. C’est un porte-mine en métal couleur bronze avec une mine épaisse de 1mm, avec lequel il faisait ses mots croisés et avec lequel il a également tracé les dessins de sa maison; il a été détrôné lorsque la mode des porte-mines à mines fines est arrivée. Il a alors opté pour une mine de 0.5mm. Voilà un outil qui ne me quittera plus.