#55

Apr 15 2013

Je viens de terminer le livre de Nicolas Bouvier, Il faudra repartir. Écriture saccadée, formulaire, lapidaire, de simples notes de voyages inédits. Émouvant quand on connaît l’homme de voir à quel point il souffrait de ses maux de jambes (non, non je ne fais aucun lien). A présent, je me sens comme vidé et je ne sais pas quoi lire, j’ai presque envie de faire une pause ou je ne sais quoi. Je n’ai jamais lu autant de romans et aussi peu d’ouvrages universitaires que lorsque je faisais mes études de philo à Paris VIII et j’ai l’impression que je suis en train de recommencer, comme si le travail universitaire ne pouvait se passer de la vie romancée. Étrange.
Je replonge à l’intérieur de moi par cette écriture, un moment de vie particulier. Peut-être aussi parce que je suis moins dans le dehors, moins dans la démonstration de ce que je suis qu’il me faut plus écrire ici. C’est sans mots.
Je crois, hier, avoir raté mon aquarelle et ça m’agace parce que je n’ai pas envie de recommencer un tel format. La solution viendra peut-être de rehauts de blancs sur un visage trop foncé. Agaçant.
Alors, je lis quoi maintenant ? J’ai envie d’histoire, l’Histoire avec un grand H et il ne me reste pour ça qu’une poignée de minutes…

Il faut alors revenir en soi, ou plutôt à ce courant imprévisible que les choses qu’on aime ont choisi pour nous rendre visite, pour emprunter cet étroit passage, le seul que nous pouvions lui offrir…

Nicolas Bouvier, Il faudra repartir
Canada, automne 1991
Éditions Payot

Retrouvé ce poème de Bouvier dans Le dehors et le dedans :

C’était hier
Plage noire de la Caspienne
Sur des racines blanchies rejetées par la mer
Sur de menus éclats de bambou
Nous faisons cuire un tout petit poisson
Sa chair rose
Prenait une couleur de fumée
Douce pluie d’automne
Cœur au chaud sous la laine
Au Nord
Un fabuleux champignon d’orage
Montait sur la Crimée
Et s’étendait jusqu’à la Chine
Ce midi-là
La vie était si égarante et bonne
Que tu lui as dit ou plutôt murmuré “vas-t’en me perdre où tu voudras”
Les vagues ont répondu “tu n’en reviendras pas”

Aujourd’hui, je dois reprendre le dessus, éviter d’inspirer la pitié avec ma patte folle.
Passé un peu de temps avec mon fils hier dans l’air doux d’un premier jour de printemps ; un soleil chaud mais un air encore un peu frais sous le vent d’est. Nous avons flâné l’un à coté de l’autre.
“Tu n’imagines pas à quel point je t’aime, Papa”.
Ce matin, il fait un superbe soleil orange, un soleil de fin du monde, un soleil qui fait du bien et surtout un soleil qui ne dure pas. La pluie tombe à nouveau.

A présent que cet espace existe, il faut que je reste convaincu de son utilité, de son bien fondé et surtout de son équilibre ; il faut qu’il reste le dépositaire de tout ce qui ne peut apparaître ailleurs, une sorte de fil rouge qui me permette d’accumuler les connaissances ramassées au fur et à mesure de la route, un havresac qui me donne la possibilité de tout collecter sans rien laisser de côté. Un ramasse-miettes en somme.

J’ai retrouvé dans mes papiers cette photo étrange représentant un naga baba, un sādhu sur une tombe, derrière un crâne posé sur le rebord de la pierre tombale ainsi qu’un feu de bois se consumant. Je n’ai pas réussi à en trouver la source, ni l’origine. J’ai dû imprimer cette photo le jour où je suis tombé dessus, sans vraiment en comprendre la signification. Tout ce que je sais, c’est que les sādhu s’enduisent le corps de cendres d’un feu allumé en l’honneur de Shiva et qu’ils passent leur existence à mortifier leur corps pour en annihiler la dimension charnelle. J’aurais aimé pouvoir retrouver cette photo, l’imprimer en grand et la mettre sur mon bureau. En attendant, j’y ai déposé un petit bouddha, tout petit, en bronze, venant du marché aux amulettes de Bangkok. Pour me rappeler à chaque instant qu’il n’est pas besoin de partir si loin pour se sentir dépaysé.

Tous les voyages sont ethnographiques. Votre propre ville même, si vous l’étudiez avec la patience, la curiosité et la méthode que les meilleurs esprits mettent à l’étude d’une tribu sauvage, attendez-vous à des surprises. Le quotidien n’existe pas. L’ordinaire n’existe pas. Vous croyiez connaître la chambre ? Vous vous apercevrez que vous ne savez pas même d’où viennent les meubles, ni qui paie le loyer.

Nicolas Bouvier, Le vide et le plein

Cet après-midi, j’ai testé une nouvelle façon de travailler avec les jeunes, sur des groupes hétéroclites lorsqu’ils ne sont pas avec leur groupe d’origine. L’expérience a plutôt pas mal marché, mais il faut que je diversifie les supports pour me permettre plus d’amplitude sur les sujets étudiés.

Découvert il y a quelques temps l’étrange Monument de Buzludzha en Bulgarie, une espèce de soucoupe de volante surréaliste tout droit sortie de l’ère communiste, abandonnée, démesurée. Cliquer sur l’image pour voir les photos de Timothy Allen sur le sujet.

Buzludzha

Les figures humaines dans l’art paléolithique, par Jean-Pierre Duhard ; Une bonne base de travail sur les représentations sexuées dans l’art dont je me suis déjà servi il y a quelques temps.

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