Un homme est mort. Hier. Il est mort. Ce matin, je pleure, parce qu’il est mort et parce que j’ai honte de moi. J’ai honte de ce que j’ai fait, ou plutôt de ce que je n’ai pas fait.
Je me suis dérobé parce que j’ai eu peur.
Je me suis comporté comme un lâche et je vais devoir vivre avec ça pendant le restant de mes jours, mais ça ne tenait qu’à moi.
Je me souviens de sa voix de basse et son superbe accent plein d’intelligence. Un homme digne et droit.
Adieu.
Plus ça va, plus je vais à l’économie. Je me surprends à caviarder, à censurer ma propre écriture pour ne plus rien dévoiler de mon travail parce que tout bonnement, rien, pour l’instant, n’est propre à constituer mon journal de bord.
En deçà et au-delà de ma pratique, je me rends compte qu’on ne devient pas ce que l’on est au travers de représentations volontaires ou de souhaits, mais bien à partir du moment où l’on est reconnu par l’autre, dans tous les sens du terme. Reconnaissance du travail, reconnaissance de l’être, reconnaissance en tant qu’être déjà connu. Ni plus ni moins que la dialectique de la reconnaissance de Hegel. On se structure par rapport à ce que l’on est censé apporter aux autres, on se structure grâce aux autres. On n’est que ce qu’on donne ; je ne suis que ton regard, une larme dans le miroir.
Tous les hommes rêvent, mais pas de la même façon. Ceux qui rêvent la nuit… s’éveillent le jour et rêvent que c’était vanité. Les rêveurs du jour sont des hommes dangereux, car ils peuvent agir leur rêve les yeux ouverts, pour le rendre possible.
T.-E. Lawrence, Les sept piliers de la sagesse
Gallimard
Ces derniers jours, j’ai l’esprit embrumé par des pensées polluantes, des entraves. Je n’arrive pas à m’en débarrasser.
Nous demandons légitimement à la pensée qu’elle dissipe les brouillards et les obscurités.
Edgar Morin, Introduction à la pensée complexe
Editions Seuil, 2005