Archive for July, 2013

#112

Jul 20 2013 Published by under Uncategorized

Je me suis réveillé tôt mais suis resté au lit, histoire de profiter un maximum d’un peu de sommeil ; je m’en tire avec une nuit de dix bonnes heures. Le soleil m’accueille gentiment tandis que le café coule et remplit la maison de son odeur âcre. Rien ne change ici, rien n’a de prise, si ce n’est le jardin qui se dégrade, pas entretenu, qui ne ressemble plus à grand chose et donne de grandes trouées de ciel bleu là où autrefois il y avait de l’ombre et des recoins agréables. Les jours gris et sombres, ce doit être particulièrement démoralisants. Je me souviens des jours à la bouche pâteuse…

Pour passer un peu le temps, je me suis muni d’un livre qui, je m’en rends compte maintenant est un véritable contrepoint à la situation. Sur les bords de l’Atlantique, je me permets d’emporter avec moi un livre de Fernand Braudel, dont le titre est un affront à cette région du monde qui s’enfonce dans les profondeurs sauvages des courants séculaires ; Mémoires de la Méditerranée. Honte sur moi.

Plus ça va, plus je me rends compte que l’ouverture au monde des gens d’ici est un leurre ; leur honnêteté est trompeuse, ils fonctionnent en réseau qui interdit de facto l’étranger et expulse de leur circuit tout contrevenant. Les entrepreneurs agissent en véritable mafieux, empêchent les nouveaux de s’installer, surtout s’ils viennent d’un autre endroit. Installez-vous sur leur territoire et vous verrez vos affaires gangrénées. Vous serez coulé en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Ici on ne va pas chez le pharmacien parce qu’il est agréable ou compétent ; non, parce que c’est un gars du coin. Tel entrepreneur est un bras cassé, oui mais pas grave, c’est le cousin de mon ami d’enfance… Résultante trompeuse d’archaïsmes rebutants. Le bourdon du clocher est dissonant ; ses cloches sont fendues. Pourtant, elles continuent de sonner à tout rompre, surtout le dimanche et les autres jours.

Il fallait de l’audace pour trouver ce qui rapproche cet endroit du monde avec le grand cosmopolitisme d’Istanbul : c’est Pierre Loti qui fait la jonction ; Julien Viaud parcourt le monde, écrivain maudit qu’on taxera trop souvent d’exotique et de superficiel, l’orientaliste de pacotille, mais d’ici il tirera son chef d’oeuvre le plus connu, Pêcheurs d’Islande, qu’on ampute bien souvent de son pendant régionaliste, Mon frère Yves. D’ici il partira pour Istanbul et se fera enterrer à Saint-Pierre d’Oléron. Que de lieux communs à nos deux existences qui sont tout de même trop de hasards pour être complètement fortuits. Suis-je ses traces ou précède-t-il les miennes ?

Ancrages : Le marquis Léon d’Hervey de Saint-Denys qui raconte ses rêves et arrive à les influencer (raconté par Jean-Claude Ameisen), les films de Robert Aldrich (notamment la jouissive boucherie des douze salopards), le groupe “Juveniles” aux Vieilles Charrues.

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#111

Jul 19 2013 Published by under Uncategorized

D’abord, il y a la route… Sur l’aire d’autoroute, je tombe sur des Italiens qui ne parlent pas un mot de français, sur un type au comptoir qui me sert mon café, enjoué comme un jeune enfant qui découvre un nouveau jouet ; il est manifestement heureux de vivre et d’être là. Des éoliennes qui ne tournent pas, et du brouillard depuis Bayeux jusqu’à mon arrivée en Bretagne. La route est belle, plus agréable que l’autoroute A10. Arrivé à Précey, petite ville assise au bord de la route, je me dis que la Bretagne commence ici avec ses maisons de granit, alors que le Couesnon n’est pas encore dépassé. Je traverse pour la première fois la belle Rance, majestueuse, aux abord verdoyants. Entre Villedieu-les-Poêles et Avranches, de superbes ponts métalliques, des ouvrages dignes enjambent encore les vallées.

J’ai percé Lannion, traversé sa périphérie pleine de grandes surfaces de plus en plus nombreuses, pour venir ma ficher directement sur la place centrale qui a été complètement refaite depuis la dernière fois que je suis venu. Il me semble qu’en décembre 2011, quand je suis venu enterrer ma grand-mère, tout ceci n’existait pas encore. La ville m’a semblé déserte, sans vie, sur une place où les petits commerces semblent fermer les uns après les autres. Signe des temps ? Une certaine tristesse supplante le désir.
J’entre dans le magasin de Sophie qui ne me reconnait pas au premier abord, me dit bonjour et retourne à ses occupations. Je suis content de la revoir, nous ne nous sommes pas vus depuis deux ans, son regard et sa voix sont toujours aussi doux ; elle m’inspire à chaque fois une incroyable sérénité. La dernière fois, elle m’a invité à dîner à Kerenoc et j’ai fait la connaissance de sa petite famille qui vit dans une belle maison au bord d’une petite baie, face au soleil qui plonge dans l’eau. Son magasin est une antre magique, pleine de recoins secrets, de boîtes mystérieuses qu’on n’ose à peine ouvrir, de récipients à thé, de théières aux formes épurées, de boîtes en métal pleines à ras-bord de thés exceptionnels venant du monde entier, des raretés, des Pu Er mythiques enfermés dans des boîtes qu’on croirait sorties d’un bazar de Saïgon et qui pourraient, si on n’y prenait garde, renfermer quelque serpent venimeux. Cette fois-ci elle m’a sorti un thé confidentiel, un thé violet du Yunnan dont elle sait me raconter l’histoire, un thé à grandes et belles feuilles, des jeunes pousses odorantes qui produiront une décoction subtile ; un thé de campagne, comme elle dit.
Malheureusement, elle doit partir pour honorer une invitation. Je repars de là avec mon thé, mes boules d’osmanthe, un thermos en verre (l’autre a explosé grâce à un chat de ma connaissance) et deux énormes pots à thé tournés et émaillés de Cécile Poisson, des pièces vraiment exceptionnelles à la texture très étranges. Je ne sais pas si je reverrai Sophie cette année.
En partant de Lannion, je décide de pousser jusqu’à Tréguier ; il est un peu tard et j’espère quand-même pouvoir trouver une pâtisserie à me mettre sous la dent. Par chance, c’est encore ouvert et je tombe des nues que Madame Adam me reconnaisse à chaque fois que je viens. Elle est encore très belle, joliment bronzée. Je suis peut-être encore plus étonné de voir qu’elle et son mari son toujours ensemble…
Le parvis a bien changé. Il a été pavé, proprement, c’est assez joli. Je ne suis pas resté suffisamment longtemps pour bien respirer l’air de la ville, mais il faisait beau et chaud. Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas fait aussi beau ici. Je pense que ça doit remonter à 2003, l’année de la canicule.

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#110

Jul 17 2013 Published by under Uncategorized

Mon corps ce matin, est tout endolori des excès de la journée d’hier. Pas vraiment préparé, j’ai mené mon corps sur la pente de l’effort beaucoup trop loin. Courbatures, douleurs, fatigue s’ensuivent. Bien fait.
Ce matin, une sorte de paix me gagne, nombre de choses ont en moi expiré. Globalement, je suis plus souvent que de raison dans l’extase des instants, dans l’absolue immédiateté du bonheur, les effets polluants sont évacués.
Je sais à présent de quel côté entrer en Thaïlande.

Rien n’est l’œuvre des démons, car il n’y a pas de démons. Chacun peut être magicien et atteindre son but, s’il sait réfléchir, s’il sait attendre, s’il sait jeûner.

Hermann Hesse, Siddhartha
Editions Bernard Grasset, 1925
Traduit de l’allemand par Joseph Delage

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