Depuis quatre heures ce matin, je tourne en rond dans mon lit, incapable de penser à essayer de me rendormir, mais je n’en ai que faire… Allongé sur le canapé, le livre de Vincent Hein entre les mains, j’essaie de capter quelque chose de dehors ; le signe d’un orage, le gazouillis prématuré de quelques siffleurs trop matinaux pour j’aille leur tenir le crachoir, le son lancinant et grave des moteurs d’avions qui a du mal à s’éteindre, le ciel qui rosit de cette aube si érotique qu’il en tomberait en pâmoison s’il n’avait une mission d’une journée à accomplir. Il y a quelque chose dans ce matin précoce qui me tend la main et me dit de venir marcher avec lui au loin, quelque chose qui me rend tout à coup serein et me dit de ne pas m’en faire pour la suite. Alors je désarme, je ne contrôle plus rien, je me surprends à respirer fort, et je ferme les yeux quelques instants pour sentir le monde m’envahir.
J’ai retrouvé ce petit livre acheté à l’Institut du monde arabe il y a bien deux ans et j’y ai souligné ceci, toute le charme et la puissance de la poésie persane :
C’est toi que je veux
 Toi, tel que tu es
 Je veux un désirant
 Un assoiffé
 Un affamé
 L’eau pure recherche l’assoiffé
Shams-e Tabrîzî, Maqâlât
in Rûmi, la religion de l’amour
Textes choisis par Leili Anvar
Editions Points, 2011
Oui, l’air sent bon, il est moins pesant et tend à s’élever encore. Jour après jour, j’ai la sensation d’être de plus en plus clairvoyant, d’être en phase avec moi-même et le monde qui m’entoure. Des prochaines vacances qui arrivent j’ai l’intention de tirer le meilleur, de m’enivrer du parfum des choses, de m’extasier face à ce monde qui m’attend.
Le soleil est là et annonce une journée chaude encore. Des 30°C qui se répètent depuis deux jours, je trouve un bonheur particulier. Le petit vent d’hier soir faisait penser à un bord de mer tranquille. Tout marche au ralenti et c’est très bien comme ça.
                    			 
            	          
	         
      	        
            
            
			      
              Ce matin, le goût des choses simples s’impose à moi et je me montre particulièrement attentif aux moindres détails qui me cernent : le motif doucereux d’un marque-page qui me suit dans tous mes déplacements livresques, un motif de tulipes ottomanes blanches et bleues brodé sur une fine bande de tissu, les pédoncules racornis de tomate cerise que j’ai grignotées hier soir, jetés nonchalamment sur la table, l’odeur encore un peu âcre du thé froid dans son bain macéré, celle un peu plus douce du papier imprimé sous mes doigts… La fatigue m’a quelque peu quitté, je me sens bien ce matin et la couleur du ciel annonce que je n’ai plus de souci à me faire pour quelques jours. Je vais faire un tour sur la terrasse dont la température n’est pratiquement pas redescendue dans la nuit ; il fait un temps de canicule au petit matin, mais qui aurait l’heur de s’en plaindre après une année d’automne…

Photo © Darwin Bell
Je n’aime pas tellement le jaune effronté du forsythia malingre qui pousse contre le mur nord de la cour. En revanche, j’aime sa traduction littérale (Ying Chun Hua) : « Fleurs qui souhaitent la bienvenue au printemps. »
Vincent Hein, L’arbre à singes
Carnets d’Asie
Denoël, 2012
Cette semaine l’emploi du temps est… estival. Aujourd’hui visite du musée du Quai Branly, demain rentrée le matin, déjeuner avec l’ESSEC le midi, visite du Musée d’art et d’histoire du judaïsme, mercredi rencontre avec l’EPIDE de Margny-lès-Compiègne, jeudi RTT pour aller au Louvre (cette fois-ci, je ne me suis pas gouré dans les jours). En gros, je risque de travailler un peu… vendredi matin. Sur le fronton de notre école : trouve le métier qu’il te faut et tu n’auras plus besoin de travailler un seul jour de ta vie…
                    			 
            	          
	         
      	        
            
            
			      
              Nous sommes le 7 juillet. Dans un mois, c’est les vacances. Je pars le 2 août jusqu’au 27. A présent, si j’anticipe un peu, je me pose la question, comme tous les ans à cette époque, en septembre, je fais quoi maintenant ? Je fais quoi en septembre ? J’attends quoi et qu’est ce que je suis encore prêt à laisser passer. Je ne sais pas pourquoi mais j’ai très envie d’apprendre l’arabe ou le persan, envie de continuer à apprendre le turc, envie de terminer mon master… Bon OK, et après le master, je fais quoi ? Si tout va bien, en décembre je suis diplômé. Janvier, je fais quoi ? J’attends ? J’entame un master 2 recherche ? Je réseaute ? Je cherche quelque chose d’autre ou alors j’attends que quelque chose me tombe tout cuit dans le bec, ce qui 1 – risque peut-être de ne pas arriver, 2 – risque d’être un peu délétère si quelqu’un me passe devant. J’ai l’impression d’en être au point mort parce que je n’arrive pas à me saisir de ce qui se passe et je porte sans cesse mes désirs vers ce que je ne peux pas atteindre, ce qui est incroyablement frustrant. Point mort. J’ai l’impression de ne plus rien savoir.
Très prochainement, je parlerai de mes projets thaïlandais, de ce qu’il s’y passera… Je crois que j’ai encore du mal à concevoir un récit, à m’y mettre.

Photo © Giuliano Maiolini
Déjà terminé le livre de Jean-Christophe Rufin, Sept histoires qui reviennent de loin, et je viens juste de commencer les premières pages du très beau livre de Vincent Hein, L’arbre à singes, carnets d’Asie. Je ne sais pas si ça me rend heureux pour autant. En fait, je ne sais pas ce qui pourrait me rendre heureux.
Parlez-moi de la brume et des formes étranges de l’arbre à singes…
Vincent Hein, L’arbre à singes
Carnets d’Asie
Denoël, 2012