Les oiseaux chantent. J’ai l’impression que c’est la première fois cette année que les oiseaux chantent le matin, mais je n’ai peut-être simplement rien entendu.
L’espace d’un instant gracile, ils entament un concert dont ils ont chacun égaré ou mélangé quelques feuilles de la partition, le tout s’évanouissant lorsque le chef d’orchestre baisse sa baguette. Le silence du jardin reprend ses droits en attendant que le soleil fasse son apparition. Ce matin encore, il accompagnera ma matinée.
A l’image de Beethoven qui disait « je ne m’incline que devant la bonté », pour ma part, je ne m’incline que devant la beauté. Tout le reste n’est qu’amphigouri.
Le jour vient de se lever. Le jour vient de me lever. Moi je suis levé depuis trop longtemps déjà et les yeux me brûlent de mélancolie, d’une douce mélancolie sans fondement dans laquelle je me suis enfoncé sans le voir venir. Le ciel a pris des couleurs de l’Océan Indien et me chatouille les sens tandis que le froid s’est accentué encore.
En descendant de l’avion, il y avait de la neige sur le tarmac, des courants d’air froid dans le soufflet de la passerelle , quelque chose m’a transis de froid mais aussi de bonheur, le bonheur de voir que finalement peu importe où je me trouve, peu importe où je suis, peu importe où je vais, l’important étant de sentir sous ses pieds le sol qui se dérobe et redevient tangible, passer au-dessus des nuages, descendre au-dessous dans l’air glacial, ne plus voir le soleil parce qu’il vient de se coucher. Je viens de terminer le livre de Mathias Enard, L’alcool et la nostalgie, un roman poignant sur l’amitié et la jalousie, un livre dense perclus de littérature russe, d’une telle vigueur que je l’ai avalé en quelques heures.

Tigran m’a donné un porte-clef qu’il s’est acheté en Arménie, sur lequel il y avait le Mont Ararat ; je l’ai mis sur mon trousseau de clefs du boulot et je me suis rendu compte seulement au bout de deux jours que je l’avais placé à côté de mon mavi boncuk ramené de Turquie. La Turquie et l’Arménie réunies sur le même trousseau… même pas fait exprès.
La lumière du matin resplendit timidement dans des couleurs de terre, froide inspiration dans un air pur. J’ai pris l’habitude de me lever tôt et d’aller respirer l’air, les effluves du dehors avant de commencer toute chose. On y voit et on y sent des choses qu’on ne peut sentir à aucun autre moment de la journée. J’aime ce moment de solitude et de silence qui rapproche de soi et qui fait commencer les journées de manière si agréable.
Longtemps, je me suis couché tard et je n’en vois plus aujourd’hui l’intérêt. Le soir ne fait que traîner et allonger une journée qui s’étire sans fin. Je n’arrive plus à lire le soir, je m’endors au bout de deux pages, alors je décale mes journées et je les commence plus tôt. Un bon matin est l’assurance d’une bonne journée.
