Je trouve toujours du plaisir à prendre des photos lorsque je suis en Bretagne. Je prends très certainement toujours plus ou moins la même photo, avec un éclairage différent, des nuances de cadrage, des choses plus ou moins heureuses, mais toujours la ou les mêmes photos.

Lézardrieux (Lezardrev), Moulin à mer
Côtes d’Armor, juillet 2013
Aujourd’hui n’a pas été une très bonne journée. Depuis hier que j’ai appris une mauvaise nouvelle pour une de mes stagiaires, et tandis que j’ai essayé ce matin d’arranger le coup pour son entrée en formation, tout est tombé à l’eau en quelques minutes, de manière irrévocable. Tout est à refaire d’ici l’année prochaine. Elle s’est effondrée tandis que j’étais en train de tenter de la réconforter en lui parlant du mieux que je pouvais. Très dur pour moi. Très dur de la voir ainsi.
Je lui ai demandé de rentrer chez elle et de ne plus y penser en attendant qu’on trouve une solution et à mon tour je me suis effondré. C’était la première fois que je pleurais à cause d’un de mes stagiaires…
Il est temps pour moi de prendre un peu de recul et de songer à autre chose.
Je porte trop de choses.
La chaleur tonifie mon corps et le rend parfois plus maître de lui-même que je ne peux l’être moi-même. En revanche, mon esprit s’enfonce dans une étrange terreur ; mon imagination me donne tous les signes d’un tarissement incroyable, ma capacité de penser s’arrime au nécessaire vital mais guère plus. Je deviens sec comme un coup de trique.
Trop facile de toujours mettre ça sur le compte de la fatigue d’une fin d’année chargée. Les excuses sont toujours trop faciles et n’ont en elles aucune espèce d’exigence. Ou alors est-ce moi qui en ai trop, d’exigences. Je n’arrive à m’accrocher à rien et trouve tout empli d’une grande vanité.

Photo © Andrea Floris
Siddhartha se souvint tout à coup d’une phrase que la courtisane lui avait dite au temps de sa jeunesse. Cette phrase c’était « Tu ne peux pas aimer », et il en avait convenu, et il s’était comparé, lui, à une étoile et les autres hommes à la feuille qui tombe ; ce qui ne l’avait pas empêché de sentir un reproche dans ces paroles. En effet, jamais son cœur n’avait pu se fondre dans celui d’un être aimé, se donner pleinement jusqu’à l’oubli complet de soi-même, jusqu’à faire des folies par amour pour un autre ; jamais il n’avait été capable d’une chose semblable et c’était là, croyait-il alors, la grande différence qui le séparait du commun des mortels.
Hermann Hesse, Siddhartha
Editions Bernard Grasset, 1925
Traduit de l’allemand par Joseph Delage
Difficile ce matin de trouver autant de raisons d’être heureux que de ne pas l’être. C’est une sorte d’état passager, sans raison, sans pourquoi, une gangue sombre.
Ça devrait passer.
Il me semblait avoir des choses à dire mais le vent a effacé ces traces.