#154
Mes lectures m’entraînent sur des pentes vertigineuses, sur le versant des regrets et cela me lacère le cœur. J’ai l’impression de découvrir sans cesse de nouveaux titres qui m’entraînent dans un tourbillon violent d’émotions, oscillant entre le bien-être procuré par la sensation de remplissage dans une main et la sensation de vide nécessaire qui survient dans l’autre. Ce matin c’est le livre de Joseph Kessel, La vallée des rubis qui m’emporte loin et me donne à comprendre ce que peut-être je n’ai pas réussi à comprendre en Thaïlande. Il y a quelque chose que je n’ai pas accompli et qu’il me faudra faire le jour où j’y retournerai ; régler mes comptes avec cette humanité, crier haut et fort ce que je suis dans cette marée humaine, me fondre à l’intérieur d’elle… Je suis encore loin de tout ça, mais je n’étais pas préparé.
Photo © Eric Parker
De vieilles dames, au maintien superbe et suivies d’une servante se prosternaient à côté de pauvresses. Puis elles allumaient un cigare long et noir et continuaient en fumant leur promenade. Les enfants couraient parmi les sanctuaires et des chiens paralytiques se chauffaient aux derniers rayons sur les marches sacrées. Et le bruit des pieds nus, frottant contre les dalles, se mêlait à la voix des gongs.
Joseph Kessel, La vallée des rubis
Gallimard, 1955