A deux trois heures du départ, je me rends compte que je ne sais pas encore comment je relie Bangkok à Ko Pha Ngan… l’angoisse… C’est tout moi ça.
Un dernier livre a rejoint mon sac, Nouilles froides à Pyongyang de Jean-Luc Coatelem, des fois que j’ai des envies de fringale…
Allez, j’y vais, je suis dans la tourmente, à deux doigts du départ.
Le départ approche et je me sens terriblement angoissé. Je ne sais pas pourquoi la Thaïlande me fait aussi peur ; je ne serai pourtant pas le premier imbécile à y mettre les pieds.
Ma valise est presque prête, ne me reste plus qu’à faire sécher mes chemises en lin et à organiser un peu ma valise, choisir quelles chaussures je vais emmener. J’ai pris des carnets, des pinceaux, des crayons, des stylos, une gomme, ma boîte à aquarelles et trois livres. Voyageurs arabes en Pléiade, L’étoile du matin de Wu Ming 4 et Carnets du Sahara d’Eugène Fromentin. Dans mon sac à dos se trouvera Kampuchea que je n’ai pas terminé, simplement parce que je prends le temps, et puis peut-être aussi L’ombre de la route de la soie de Colin Thubron que je n’ai toujours pas terminé. Des carnets, de quoi écrire, bref un nécessaire de vie qui ne dépasse pas le volume d’une boîte à chaussures, le tout dans une valise énorme qui me permettra de ramener plein de conneries, des bouteilles d’alcool qui me brûlera les yeux, des tissus, du papier, des statuettes de Bouddha, que sais-je…
N’emporte que des souvenirs, ne laisse rien derrière toi…
Ma jambe va mieux, je n’ai plus l’air d’un boiteux et j’arrive à avoir l’air enjoué.
Les jours défilent. Les lectures aussi. Je suis allé chez le médecin hier soir pour me faire prescrire de la malarone, une antipaludéen, on ne sait jamais… Comme je sais que je dois toujours attendre au moins une heure j’ai emmené un bouquin qui trainait dans la voiture depuis quelques temps ; Raymond Depardon et Jean-Claude Guillebaud, La colline des anges, un très beau livre sur un retour au Vietnam qu’ils avaient couvert en 1972 et dans lequel ils reviennent vingt ans après avec des souvenirs violents et des lieux que les événements ont marqué à jamais.
Mais je me pose question. Je ne sais pas pourquoi j’ai commencé ce livre. De la même manière, je ne sais pas pourquoi j’ai commencé Kampuchea de Patrick Deville et de la même manière également que je ne sais pourquoi j’ai ouvert L’élimination de Rithy Panh. Je ne sais même pourquoi je les ai achetés mais le concours de circonstances est étrange. Ces lectures sont violentes et font part d’un monde en déshérence, un monde qui se délite et dans lequel la violence s’est déchaînée. Je pensais ce matin sous ma douche qu’il est tout de même étrange que ceci soit arrivé dans des pays dont la religion est une religion de paix et de recherche du bonheur.
Mais dans cette religion, la fatalité et le destin sont des failles redoutables.
Laissez entrer le vent qui, lui aussi, a froid…