Les jours défilent sans que je n’en vois rien. Avant-hier, j’ai failli m’endormir en cours, incapable de fixer mon attention sur l’intervention. Non que le personnage ne soit pas intéressant, mais c’est moi, je me sens fatigué, étrangement harassé par tout ce qui se passe à Sevran. La journée d’hier a été courte mais tout aussi dense, à la rencontre des habitants dans les jardins partagés de Rougemont et après enfermé dans un petit bureau surchauffé pour procéder à la restitution écrite. Il est temps que ça se termine. Ce matin, j’ai rendez-vous à ma demande avec le directeur du master pour lui faire part des difficultés que notre groupe éprouve sur le terrain.
Je suis épuisé. La séance de kiné d’hier matin m’a bien fatigué aussi. Aujourd’hui philo avec Deschamps. Dernier cours je crois. Lundi, retour à l’école.
Ce week-end, le nez dans la valise.
Ne pas perdre le fil, surtout pas.
A partir de demain, je journalise mon départ…
Rouler, rouler, rouler encore. En voiture. En train. En voiture à nouveau. Toujours sur des routes qu’on n’a pas le temps de voir mais qu’on avale comme ça sans arrêt, des paysages qui défilent qui ne s’arrêtent pas, qui s’essoufflent, qui m’essoufflent et me rendent encore plus extatique.

La route de Kaş à Denizli,
Turquie, été 2012
Il faudra que je raconte ma surréaliste journée d’hier à Sevran. Je crois que personne n’est en mesure de savoir ce qui se passe là-bas si on y met pas les pieds au moins une fois. Cette ville est un monde dans un autre monde. Ce matin, je reprends le scooter, pour rouler, rouler…
Je ne sais pas pourquoi mais je sens que je ne vais pas aimer cette semaine. Aller deux jours à Sevran ne me ravit en rien, surtout vu les événements de ces derniers jours aux Beaudottes. Le fait aussi que ce soit trop encadré ne me dit rien qui vaille ; pas de trop de ceci, pas trop de cela, comme s’il fallait surprotéger un microcosme d’une attaque extérieure. Je me sens beaucoup trop contraint dans cette histoire. Je verrai bien demain soir ce qu’il en est.
Et je dois encore travailler mon audition pour demain soir.
Dans la première heure de ce nouveau jour, dans le vent froid et puissant qui parvient déjà aux côtes de notre pays, oui, en cet instant unique de regret sans cesse recommencé, je comprends que ce qui nous bouleverse ainsi, c’est toujours la clarté matinale du départ !
Annemarie Schwarzenbach, Où est la terre des promesses ?
avec Ella Maillart en Afghanistan (1939-1940)
Editions Payot

J’ai joué ce dernier cours avant mon audition de manière assez sereine parce que j’ai utilisé la guitare d’Isabelle. Guitare sévillane de qualité, cordes neuves, un confort qui n’a rien à voir ; c’est là que je me suis rendu compte que mes cordes couinaient et que les basses étaient étouffées. Je crois que je suis assez décidé à changer de cordes dès demain soir, et de guitare pas longtemps après. Je lorgne déjà sur une très belle Alhambra 4P avec une belle table en cèdre massif rouge et un manche en acajou très confortable. Je m’y vois déjà.
A côté d’un saz, ça aurait de la gueule non ?